Contexte et enjeux scientifiques du projet

Depuis 30 ans, les Pyrénées constituent un cadre novateur de recherche sur les dynamiques des systèmes pastoraux des espaces d’altitude dans la longue durée. Débuté sur la montagne d'Enveitg au milieu des années 1980 (Rendu, 2003, Bal, Rendu, Ruas, & Campmajo, 2010, Rendu, et al., 2009) se sont constitué par la suite une dizaine de zones ateliers interdisciplinaires, chacune d’entre elle conçue comme un laboratoire d'étude des interactions entre les sociétés, leur espace et leur environnement, dans la longue durée (Fig. 1).

Au fil des années, cette thématique de recherche a pris de l’ampleur et les recherches se sont étendue aux Alpes (françaises, italiennes, suisses, autrichiennes), au Massif Central, au Jura, à la cordillère cantabrique et à la Sierra Nevada en Espagne...à l'ensemble des massifs montagneux (Fig. 2).

Figure 1 - Localisation des différents programmes de recherche en archéologie pastorale dans les Pyrénées

Figure 2 - Localisation des programmes de recherche en archéologie pastorale dans les montagnes du sud de l'Europe

Zone d'étude Pays Responsable scientifique Zone d'étude Pays Resp. op.
1 Sierra Nevada Espagne Romeo. P et al 13 Apennin Italie Moreno. D et al
2 Cabrillanes Espagne Alvarez D et al 14 Mercantour France Geist et al.
3 Alava Espagne Varon R et al 15 Vallée La Roya France Palmero B et al.
4 Pyrénées (cf fig. 1) 16 Ubaye France Garcia et al
5 Aubrac France Fau L et al 17 Vallée de Buech France Morin et al
6 Puy-de-Dôme France Toumazet. J-P et al. 18 Champsaur France Leveau et al
7 Mont Beuvray France

Jouffroy-

Bapicot et al

19

Col du Petit St

Bernard

France

Leveau, Segard e

t al

8 Balagne France Weiss et al 20 Col du Simplon Suisse Cury. P et al
9 Fonni Italie Mientjes et al 21 Levantine Suisse Della Casa et al
10 Cistonaci Italie Day. P et al 22 Val di Sole Italie Carrer et al.
11 Enna Italie Mientjes et al. 23 Silvretta Autriche Reitmaier et al
12 Cicolano Italie Barker et al 24 Karwendel Autriche Nicolai (von) et al

Actuellement, au vu du nombre des terrains d’étude ouverts, il est possible de disposer d’une quantité importante et statistiquement signifiante de données archéologiques de prospection mais aussi de données datées qui permettent de systématiser l’information et d’avoir une réelle lecture comparée des évolutions des trajectoires des territoires d’altitude sur le temps long.

Les différentes équipes de recherche impliquées dans ces travaux se trouvent toutefois confrontées au problème de l’acquisition de l’information primaire lors de la phase de prospection.

Préalable indispensable à toute recherche en archéologie, la prospection en haute et moyenne montagne (Fig. 3) a des spécificités : parcours pédestre sur des pentes fortes, territoire difficile d’accès, terrains enneigés une partie de l’année, emport à dos de l’ensemble du matériel ou nécessité d’organiser et de financer un portage (muletage ou héliportage).

Accéder à une information archéologique qui soit la plus complète possible dans un temps le plus court possible est l’enjeu de la phase de prospection.

Se posent alors les questions suivantes :

  • Comment rendre plus efficace la prospection dans ces milieux ? Quels outils utiliser ?

  • Comment améliorer la qualité de l’information recueillie lors de l’acquisition, mais également lors du traitement des données ?

Figure 3 - Estive d'Anéou (Photo C. Calastrenc)

Problématiques scientifiques

Contrairement au travail de prospection en plaine, en haute et moyenne montagne, la détection des structures archéologiques ne prend pas appui sur l'analyse de la répartition des artefacts récoltés en surface (Poirier, 2010 ; Poirier & Hautefeuille, 2014, 2015, 2016, 2017) ; la couverture végétale y est bien trop dense et empêche toute remontée du mobilier archéologique.

De façon très générale, mais pas systématique, les infrastructures pastorales les plus arasées sont perceptibles par des alignements de pierres ou des anomalies topographiques (microreliefs) (Fig. 4 et Fig. 5). ; les autres, plus récentes, sont identifiables par des murets (Fig. 6 et Fig. 7).

Figure 4 - Structure 11 - Prospection d'Anéou - 2004

Figure 5 - Structure 14 - Prospection d'Anéou - 2004

Figure 6 - Enclos 179 - Prospection archéologique d'Anéou - 2005

Figure 7 - Cabane 116 - Prospection d'Anéou - 2004

Le semi de points et les plans résultant de ce travail de diagnostic ne doit donc pas se réduire à un simple inventaire. La prospection est un véritable outil de recherche historique et archéologique (Rendu, Calastrenc, Le Couédic, & Berdoy, 2016, p. 61). Mais pour ce faire, il faut tendre vers l'exhaustivité, car seul un corpus représentatif et statistiquement fort peut permettre une analyse de l'organisation spatiale des structures pastorales dans le temps long.

Malgré les différentes évolutions techniques déployées ces dernières années pour faciliter et maximiser le travail de prospection pédestre en haute et moyenne montagne, cette phase du travail se heurte encore aujourd'hui à deux verrous méthodologiques majeurs :

  1. Comment dépasser le cadre de la monographie d'une estive ou d'une montagne, pour approcher de plus grandes surfaces et ainsi pouvoir commencer à faire de réelles comparaisons entre les territoires d'altitude à l'échelle d'un massif ou d'une chaîne en s'appuyant sur un référentiel statistiquement significatif et solide ?

  2. Comment compléter le corpus des structures visibles en surface avec celles hors-sol recouvertes par la végétation, des colluvionnements, arasées par l'activité humaine ou parce- qu’elles ont été édifiées en matériaux périssables ?

Le programme de recherche TAHMM (Télédétection Archéologique en Haute et Moyenne Montagne) vise au développement d’une nouvelle procédure d’approche de la prospection de ces milieux par l’utilisation de méthodes non-invasives et la mise en place d’une approche intégrée multisource, multi-échelle et multitemporelle.

Les nouvelles avancées technologiques (diversification et miniaturisation de capteur), la démocratisation de certains outils (développement des drones aériens) et de logiciels de traitement des données permettent aujourd’hui de réfléchir à la mise en œuvre de nouvelles procédures d’acquisition de l’information pour la détection des vestiges archéologiques.

Le projet de recherche TAHMM cherche à établir une procédure permettant la détection des vestiges archéologiques de l’activité pastorales et/ou agro-pastorales en haute et moyenne montagne par des méthodes non-invasives. Il ne s'agit pas de se substituer à l'approche traditionnelle de ces espaces, mais bien de mettre en œuvre des méthodes et outils capables d'appréhender de plus grandes surfaces avec le maximum de précision et de résolution possible afin d'intégrer ces nouvelles données dans un processus de recherche qui soit monographique (étude d'une estive, d'un site, d'une montagne) ou plus global (comparaison de territoires).

Ce projet de recherche s'appuis donc sur une démarche multisources et multi-échelles. Du traitement des images satellites de l'analyse physico-chimique en passant par l'acquisition et l'étude de données acquises par drone avec différents capteurs, c'est l'ensemble des outils de télédétection archéologique et de géophysique qui seront mis en œuvre pour permettre une identification des vestiges archéologiques en haute et moyenne montagne.